dimanche 1 avril 2007

Demandez le programme

Il paraît que la campagne électorale passionne les Français. Tant mieux. Mais j'ai un peu de mal à repérer des propositions fortes et des visions porteuses. En particulier sur l'enseignement supérieur et la recherche, censées mobiliser les efforts gouvernementaux dans les prochains mois. Si vous entendez parler de quelque chose, faites-moi signe...

Félicitations du jury…

Dois-je remercier le collègue qui m’a prêté le roman de Clarisse Buono : « Félicitations du jury » (Editions Privé, 2007) ?… Car le livre commence par le suicide d’un jeune docteur en sociologie le jour de la soutenance de sa thèse. Tout le récit, bien écrit, est une satyre de certaines mœurs universitaires. L’auteure, qui fut elle-même universitaire, touche souvent juste. Mais l’effet d’accumulation de nos travers est quand même un peu dur… On préfère encore David Lodge et son humour anglais (« Jeux de société », en particulier).

mercredi 21 mars 2007

Un dialogue fécond

C'est parti ! La publication de mon projet suscite des réactions nombreuses. Certaines touchent à des points très précis, d'autres concernent telle ou telle orientation générale. Il est déjà acquis que le document qui sera déposé le 25 avril prochain sera vraiment le résultat d'une élaboration collective. Je reviendrai sur les thèmes abordés, pour qu'ensemble, nous préparions l'avenir. Encore merci à chacune et à chacun d'entre vous qui consacrez du temps à lire et à discuter autour de ce "nouvel élan".

vendredi 23 février 2007

JR, impitoyable

On a apprécié dans l’essai de Jean-Robert Pitte, président de Paris IV, (« Jeunes, on vous ment ! », Fayard, 2006), ces quelques lignes sur les classes préparatoires :
« Les élèves de classes préparatoires aux grandes écoles n’ont de contact qu’avec des manuels rédigés à leur intention. Leur talent, comme celui de leurs maîtres, est tourné vers la rapidité de l’assimilation des connaissances, la pertinence et la clarté de leur restitution dans le cadre de dissertations ou d’oraux préparés en temps limité, l’art de faire des plans, une expression écrite et orale soignée. On ne saurait nier que beaucoup d’entre eux ont énormément lu, qu’ils jouissent souvent d’une bonne culture scientifique et littéraire, parfois même artistique, quelle que soit l’issue des concours qu’ils préparent, et qu’ils ont acquis une grosse capacité de travail méthodique. Mais la masse de connaissances à digérer pendant les deux ou trois années de classes préparatoires est telle que ces jeunes gens courageux manquent parfois un peu de créativité, handicap qui n’est nullement définitif, bien entendu. Un certain nombre perdent même toute envie de continuer à donner le meilleur d’eux-mêmes, une fois l’agrégation acquise, la thèse en poche et un poste de maître de conférences obtenu. On le comprend, mais quelle pitié !
Qu’on ne juge pas ces propos comme une remise en cause de l’existence des classes préparatoires et des grandes écoles. Ce serait suicidaire pour notre pays. Il faudrait simplement reconnaître que les universités dont les enseignants sont tous, par statut, également des chercheurs pourraient énormément apporter à la formation des futurs cadres supérieurs. La recherche scientifique rigoureuse apporte à un professeur le culte de l’innovation, du résultat durement établi, mais aussi du questionnement fécond, du problème non résolu. L’étudiant, y compris débutant, qui saisit la portée de cette démarche apprend à rassembler toutes ses potentialités intellectuelles et à se projeter dans l’avenir avec ardeur et modestie, à la fois. C’est donc un immense gâchis que d’avoir séparé à ce point les CGPE et les universités et de permettre seulement à ces dernières de récupérer les « collés » aux concours, nouvelle manière de les considérer comme des voitures-balais, même si elles sont enchantées d’accueillir en troisième année de licence de nouveaux étudiants de qualité. »

Précisons cependant que, dans le cas de Paris-Dauphine, les étudiants recrutés en 1ère année ne sont pas des « collés » des concours, mais des « arbitragistes » qui ont exprimé une préférence.
On a moins aimé un certain conservatisme, sinon un conservatisme certain. Le président Pitte fustige les regroupements et alliances d’universités. Il donne le sentiment qu’il suffirait à l’université Paris IV (dites « Paris-Sorbonne ») de s’adosser à son histoire pluri-séculaire pour affronter les défis de l’environnement universitaire changeant. Le livre est par ailleurs franchement orienté vers une politique de « numerus clausus » (sic), plus que d’orientation des étudiants et de rénovation des filières. Disons que la modernisation de l’université façon JR ressemble fort au culte des origines.
(On retiendra au passage l’adresse d’une très bonne boucherie, rue Monge, à l’enseigne de Monsieur Serge Perraud… hommage de l’auteur à l’artisanat de qualité...)

dimanche 18 février 2007

Vous avez dit matière grise ? (Claude Allègre, Plon 2006)

On est forcément intéressé à connaître les idées de celui qui fut à l’origine des nouvelles universités de la grande couronne francilienne, qui a jeté les bases des IUP et qui a impulsé, en tant que Ministre, le processus de Bologne-La Sorbonne ainsi que le système LMD en Europe. Résumé de ses propositions :

1) La méthode : laisser les expériences se développer, et légiférer ensuite éventuellement pour généraliser, plutôt que de commencer par un processus législatif lourd.
2) Respecter et valoriser la diversité : des disciplines, des talents, des établissements.
3) Financement : doubler le budget, pour mettre à niveau la dépense par étudiant, ainsi que les salaires des enseignants-chercheurs.
4) La recherche : elle doit être organisée autour des universités, avec un cadre unique d’enseignants chercheurs, et la majorité des postes CNRS seraient des postes d’accueil temporaires pour des universitaires
5) Les étudiants : prendre au sérieux leurs conditions de vie matérielle (logement, nourriture, conditions d’études), ainsi que l’orientation et l’insertion professionnelle
6) Culture générale et professionnalisation : la culture générale scientifique doit rester le fondement de l’enseignement pour permettre l’adaptation ultérieure, mais la question des débouchés professionnels ne doit pas être ignorée…
7) Pour un contrat pluri-annuel entre chaque université et l’Etat, représenté par un Chancelier des universités, indépendant des recteurs, ayant une compétence interrégionale, et exerçant un contrôle a posteriori.
8) Pour une évaluation des universités et un classement par discipline en 5 catégories (pour ne pas dire des « niveaux »).
9) Gouvernance. Pour des conseils moins nombreux et plus efficaces. Pour une présidence de 5 ans renouvelable une fois dans la même université (mais plusieurs fois dans une autre université), avec des pouvoirs accrus (par exemple, contrôle financier a posteriori) . Ratifié par le conseil d’administration, le président serait pré-sélectionné par un conseil d’orientation composé en majorité de non-universitaires ; il serait assisté d’un « prévôt » en charge de la marche interne, et d’un « directeur administratif » « dont le poste devrait être aussi attractif que celui d’un membre du Conseil d’Etat ou de la Cour des comptes. » (sic).
10) Formation tout au long de la vie, enseignement à distance, ouverture des campus tout au long de l’année…

Indépendamment de l’opinion qu’on porte sur chacune de ces propositions, certaines d’entre elles sont davantage susceptibles d’inspirer les politiques à venir : celles relatives à la méthode du changement, à l’évaluation des universités et à leur gouvernance en font sans doute partie.

dimanche 11 février 2007

Enseignement supérieur : ne pas sacrifier l’avenir

Tel est le titre d’un chapitre signé de Jean-Pierre Boisivon et Yves Lichtenberger, dans un ouvrage à plusieurs voix, piloté par Michel Pébereau pour l’Institut de l’Entreprise : « C’est possible voici comment ! lettre ouverte à notre prochain(e) président(e) » (Robert Laffont, 2007). Voici les 7 réformes capitales préconisées par Boisivon et Lichtenberger, selon leurs propres termes :
- encourager l’évolution des universités vers des universités réellement pluridisciplinaires ;
- mieux préparer à l’insertion professionnelle en donnant un contenu plus généraliste au niveau licence et en généralisant l’alternance en dernière année d’études au niveau licence et au niveau master ;
- rendre les formations technologiques, STS et IUT, à leur vocation originelle d’accueil des bacheliers technologiques et professionnels tout en facilitant la possibilité pour leurs meilleurs étudiants de poursuivre leur formation à l’université ;
- accorder une réelle autonomie aux universités volontaires sous réserve de la mise en œuvre d’une gouvernance renouvelée donnant un rôle exécutif au président nommé par une instance décisionnaire restreinte ;
- financer les universités sur la base de leurs résultats en matière de recherche et d’insertion professionnelle de leurs étudiants ;
- élargir l’assiette du financement des universités en instaurant des droits de scolarité significatifs assortis de mécanismes d’aide de nature à rendre la poursuite d’études universitaires indépendante de la situation financière des étudiants et de leurs familles ;
- susciter une initiative européenne qui aurait pour objectif de créer un réseau européen d’universités d’excellence compétitives avec les meilleures universités mondiales.

jeudi 8 février 2007

Droits d’inscription...

« Un système qui fait payer 2000 euros par an aux étudiants aisés et rien à ceux qui ont le moins de ressources, n’est-ce pas plus juste qu’un système qui fait payer 300 euros à tout le monde ? » En ces termes, Dominique de Villepin a évoqué les droits d’inscription à l’université, mercredi 7 février à l’occasion de l’inauguration du nouveau campus de Paris 7. On le suit volontiers sur ce terrain, à condition d’ajouter que la contribution des familles ne suffira pas à porter l’université à un niveau simplement correct : il faudra y ajouter l’effort du ministère, des collectivités locales et des entreprises.
Si les droits devaient être relevés, deux formules principales sont possibles. Dans l’hypothèse d’un tarif unique pour tous les étudiants, il faudrait évidemment prévoir un système de bourses développé, pour compenser l’effet de la hausse sur les familles démunies. L’alternative est de fixer des droits proportionnels au revenu des familles, dans le sens évoqué par le premier Ministre. Cette formule a le mérite d’exonérer les plus bas revenus et de faire payer davantage qu’un forfait aux plus hauts. Elle permet aussi de réserver les bourses à d’autres affectations, pour des projets d’échange international par exemple.
Reste à dire quel est le juste barème : faut-il appliquer le même à des universités qui ont des traditions et des sociologies différentes ? ou faut-il laisser chaque établissement décider de ses droits dans le plein exercice de son autonomie ?
Le débat est posé. Pour l’éclairer, deux compléments.
1) Sciences Po Paris a adopté un système fondé sur un quotient familial. Voici le tarif :
Quotient (€) de 43 000 et plus, Droits de scolarité (€) de 5 000
Quotient (€) de 36 000 - 42 999, Droits de scolarité (€) de 4 500
Quotient (€) de 30 000 - 35 999, Droits de scolarité (€) de 4 000
Quotient (€) de 25 000 - 29 999, Droits de scolarité (€) de 3 250
Quotient (€) de 21 000 - 24 999, Droits de scolarité (€) de 2 500
Quotient (€) de 18 000 - 20 999, Droits de scolarité (€) de 1 750
Quotient (€) de 16 000 - 17 999, Droits de scolarité (€) de 1 000
Quotient (€) de 0 - 15 999, Droits de scolarité (€) de 500
Les boursiers CROUS et IEP sont exonérés.
2) Une rapide simulation sur l’université Paris-Dauphine apporte les indications suivantes. Si les droits d’inscription en Licence étaient portés en moyenne à 1000 euros, et si les droits d’inscription en Master montaient en moyenne à 2000 euros, l’université gagnerait quelques 7,8 millions d’euros de recettes complémentaires chaque année, soit près du tiers de son budget propre.